Traité de Lisbonne, article 123 : le coup d’état de la finance

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Comme chacun sait, la Grèce est actuellement en première ligne des pays attaqués par la finance sur son point faible : la dette souveraine.
Cette situation est cependant valable pour la plupart des pays occidentaux endettés, y compris la France, la seule différence étant que les plus vulnérables subissent en premiers les coups de boutoir de ladite finance. Les suivants sur la liste commencent d’ailleurs également à être touchés (Portugal, Espagne) à travers les agences de notation.

Cet article va évoquer une question fondamentale que personne ou presque ne se pose, à savoir pourquoi les états en sont arrivés à se financer sur le marché privé.
Cette question en apparence anodine est en fait lourde de conséquences sur les finances publiques et surtout pour les contribuables que nous sommes tous.

C’est bien la finance qui coule la Grèce : démonstration

La dette d’un état
Comme tous les pays en déficit, la Grèce doit lever régulièrement sur le marché mondial des fonds pour financer son déficit.

A ce niveau, on doit bien distinguer le déficit annuel de l’état (du à un niveau de dépenses supérieur aux recettes) de la dette qui est grosso modo le cumul du solde des déficits annuels passés.

Qu’un prêt corresponde à une création monétaire ou pas reste une question philosophique, dans tous les cas un prêt correspond à une avance de fonds devant être remboursée à l’aide d’argent qui sera en principe obtenu dans le futur, il y a donc un risque associé lors de l’émission d’un prêt.

Toute dette comprend 2 parties :

  • cumul des déficits antérieurs ou capital
  • charge de la dette ou intérêts financiers

La situation de la Grèce
En 2009, la situation de la Grèce est la suivante :

– dette = environ 100% du PNB

– déficit = 13% du PNB incluant les intérêts annuels de la dette.

En 2010, la dette sera donc au moins égale à 113% du PNB, les intérêts de cette dette si les taux restaient à 3% devraient donc passer à 113*3% = 3.39%.

Directement de votre poche dans celle des banquiers
Cette partie des dépenses de l’état ne correspond à aucun investissement collectif, ces intérêts prélevés sur les impôts directs ou indirects des citoyens correspondent donc à une partie du fruit de leur travail qui va directement dans la poche des banquiers sans aucun service en échange.

Une question que peu de gens se posent est de savoir s’il est normal que les banquiers privés s’enrichissent sur le dos des états.
Réponse : cette question est éludée car les médias nous parlent sans cesse des taux d’intérêts « du marché » et de leurs variations comme si cela représentait une vérité universelle, le battage médiatico/politique nous a habitué à cet état de fait depuis une trentaine d’années.

Endettement court terme
Le plus grave problème de la Grèce est que cette dernière est endettée à partir de prêts courts termes de l’ordre de 2 ans, cela revient à dire que la majeure partie de sa dette [100% du PIB] doit être renouvelée sur les marchés financiers grosso modo tous les 2 ans.
Et si jamais les taux d’intérêts consentis varient, alors le déficit vient mécaniquement augmenter également.

Un taux qui passe de 3 à 7% associé à un renouvellement des emprunts obligataires sur 2 ans environ vient mécaniquement augmenter les dépenses de l’état de +4% de la dette au bout de ces 2 ans.
Cela augmente très vite et devient donc également très rapidement insupportable.

La finance a lancé une guerre aux états

Comme vu dans l’article « La spéculation attaque notre (R)UE » les spéculateurs attaquent la Grèce à l’aide du marché opaque des CDS dits à « nue position », c’est-à-dire achetés par des gens qui n’ont pas prêté un euro à la Grèce.
C’est le principe du « Je prends une assurance incendie sur la maison de mon voisin ».

La finance joue avec les taux d’intérêts
Puisque le nombre de CDS pris sur la Grèce augmente fortement, les agences de notation en déduisent que « le marché » croit de plus en plus à un défaut de paiement de la Grèce et baissent leur note.
Du coup les taux d’intérêts consentis à la Grèce explosent, ils sont de l’ordre de 6/7% pour les taux courts termes contre 3/3.5% pour les pays en dont la note est AAA. Le temps que je termine cet article, ils pourraient facilement dépasser les 10% ou bien plus si rien n’est fait pour enrayer cette spéculation.

Les taux d’intérêts sont donc une redoutable arme de destruction massive.

Un cercle vicieux
La séquence de guerre lancée par la finance sur la Grèce est donc :

  1. Achats massifs de CDS « nus » sur la Grèce
  2. Prise en considération de ces achats par les acteurs économiques en particulier les agences de notation
  3. Les agences baissent leurs notes de confiance sur l’état attaqué
  4. Conséquence : les taux d’intérêts augmentent pour compenser le risque de défaut de paiement
  5. L’augmentation des taux enfonce encore plus la Grèce dans le marasme
  6. Retour à 1.

Une Europe elle-même au bord du gouffre va-t-elle pouvoir stopper la finance avec son plan d’aide à la Grèce de 80 Milliards auxquels s’ajoutent les 30 Milliards du FMI ? Car derrière la Grèce, il faudra bientôt sauver le Portugal, l’Espagne, L’Italie, etc…

Revenons maintenant sur la question posée précédemment.

L’article 123 du traité de Lisbonne

L’article 123 du Traité de Lisbonne stipule que : « 1. Il est interdit à la Banque centrale européenne et aux banques centrales des États membres, ci-après dénommées « banques centrales nationales », d’accorder des découverts ou tout autre type de crédit aux institutions, organes ou organismes de l’Union, aux administrations centrales, aux autorités régionales ou locales, aux autres autorités publiques, aux autres organismes ou entreprises publics des États membres ; l’acquisition directe, auprès d’eux, par la Banque centrale européenne ou les banques centrales nationales des instruments de leur dette est également interdite »

En clair les états signataires s’interdisent de se financer directement à taux zéro auprès de leur banque centrale ou de la BCE. Ils sont obligés de s’adresser aux banques privées qui leur proposent les taux qu’elles décident tout en se finançant actuellement elles mêmes à un taux quasi nul auprès de la BCE.

Cette situation est identique pour tous les pays du monde occidental et dure en France depuis 1973.
Il s’agit d’un véritable coup d’état.

Un coup d’état financier et politique en 4 actes

1ier acte : La France privatise la création monétaire
En 1973, le ministre des finances Valery Giscard D’Estaing (sous la Présidence de Pompidou, ancien directeur général de la banque Rothschild) modifie les statuts de la Banque de France à travers la loi 73-7 pour lui interdire de faire des avance ou des prêts à l’Etat.

2ième acte : On Européanise cette règle
En 1992, l’article 104 du traité de Maastricht interdit à la BCE et aux Banques Centrales Nationales de consentir des avances ou des prêts aux États ou aux Collectivités Publiques.
Cette loi s’étend donc à toute l’Europe.

3ième acte : La règle passe dans la proposition de constitution Européenne
L’article 123 du traité de Lisbonne reprend mot pour mot le libellé de l’article 104 de traité de Maastricht.

4ième acte : Sarkozy bafoue 200 ans de démocratie Française
Le traité de Lisbonne a été adopté en France par Mr Sarkozy le 04 février 2008 alors que le référendum sur la constitution européenne avait été rejeté en 2005 par 53% des Français.

Et la France dans tout ça ?

Avant la loi de 1973, comme le montre le schéma ci-dessous la dette n’existait pas en France :

 

Du 1er janvier 1976 au 31 décembre 2006, la dette de la France s’élève à 1142,7 milliards d’euros après les remboursements déjà effectués. Mais cette dette entraîne des intérêts composés qui la font augmenter à chaque seconde.
Les intérêts totaux de la dette du 1er janvier 1976 au 31 décembre 2006 s’élèvent à la somme de 1142,2 milliards !
Dit autrement, l’Etat doit pour la période du 1er janvier 1976 au 31 décembre 2006, 0,5 milliard au titre du capital et 1142, 2 milliards au titre des intérêts cumulés de la dette. Ces intérêts dus continuent à générer des intérêts.

C’est-à-dire que 99,95 % de la dette sont constitués uniquement des intérêts cumulés de 1976 à 2006 et que la France a été incapable de rembourser malgré le taux élevé des impôts durant toute cette longue période (30 ans).
Si la France avait pu continuer à se financer à taux 0 à la Banque de France ou à la BCE, la dette serait…quasi nulle !

A la lumière de ce qui précède, on prend conscience que la finance a opéré un véritable coup d’état en substituant avec la complicité de dirigeants politiques le droit régalien des états de frapper leur propre monnaie.
Cela ne s’est d’ailleurs pas fait en un jour, mais c’est une autre histoire.

La gestion des finances publiques
Pour être complets, notons que la gestion des finances publiques Françaises a toujours été plus ou moins désastreuse.
Emprunts à taux zéros ou pas, le budget de l’état a pratiquement toujours été en déficit. Avant 1973 certains disaient qu’emprunter à taux zéro revenait à faire tourner la planche à billets.
Il est exact que cela générait de l’inflation qui réduisait la confiance dans la monnaie.
Cependant entre la situation inflationniste précédente et celle d’aujourd’hui, quelle est la plus catastrophique ?

La finance est devenue le cancer de notre société

Comme le cancer,
la finance créée à l’origine pour irriguer le corps économique fonctionne maintenant quasiment exclusivement pour son propre compte.
Comme le cancer,
les mécanismes de régulations ont été supprimés grâce au libéralisme.
Comme le cancer,
la finance épuise les ressources de la société pour se développer.
Comme le cancer,
le seul objectif de la finance est de croitre sans limite.
Comme le cancer,
la maladie s’est généralisée à travers la mondialisation (métastases).
Comme le cancer,
la finance est en train de tuer l’organisme qu’elle parasite.
Comme le cancer,
lorsque la finance aura tué le système, elle sera emportée avec lui en enfer !

Peut-on encore s’en sortir ?

La solution pour commencer à se sortir de cette situation serait de rendre à la Banque de France le droit de faire des avances ou des prêts sans intérêts à l’Etat et aux collectivités publiques.
Bien sûr cela impliquerait la sortie de la constitution Européenne et donc induirait un aveu d’erreur de la part de celui qui nous y a fait entrer d’une manière que l’on ne peut qualifier autrement que de totalitaire.
Sachant que le temps joue contre nous et que depuis 2 ans l’immobilisme et la discorde règnent en Europe, je vous laisse conclure par vous même.

Pour finir, regardez ce petit compteur : http://www.nirgal.com/wakeup/dette

Vidéos :

Depuis 1982, les États européens ne peuvent plus emprunter de l’argent à taux bas à leur banque « nationale », ils sont obligés d’emprunter à taux hauts à des banques privées. Conséquences, les dettes des pays européens ont fortement augmenté.

Pour baisser leur dette, les pays ont donc mis en place des politiques d’austérité qui détériorent les conditions de vie de leurs citoyens : plus d’impôts, âge de la retraite reculé, moins d’argent pour les écoles, les hôpitaux…

Pour l’économiste belge Olivier Bonfond, les États ne doivent plus se soumettre aux financiers, « il n’est pas normal que la dette publique des pays ne fasse pas l’objet d’un débat ».

Olivier Bonfond, économiste, conseiller au CEPAG, pour son livre «Et si on arrêtait de payer ? 10 Questions/Réponses sur la dette publique belge et les alternatives à l’austérité». Pédagogique et percutant ! Vidéo de 30 minutes pour comprendre la dette belge et ce qui va (est en train de) nous tomber dessus si on ne réagit pas.

Elle permet d’apporter tout d’abord des réflexions et des arguments face au discours dominant actuel et proposer des alternatives face à la ligne de conduite actuelle et son crédo « TINA ».

Et si on arrêtait de payer ! interview de Olivier Bonfond

Et si on arrêtait de payer ! interview de Olivier Bonfond (Complet)

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