Syrie, Pierre Le Corf : Hier soir à Alep… Témoignage

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Hier soir j’étais dans un quartier périphérique d’Alep, une de mes jeunes n’était pas très loin de moi à Zahra, les combats et bombardements étaient intenses et elle avait peur en m’écrivant sur whatsapp, elle me demandait de prier pour eux. C’est ça qui est le plus fatiguant, c’est le stress pour ceux que tu aimes, plus que pour toi ou quoi que ce soit.

La majorité des gens ne peuvent pas comprendre ce que veut dire la guerre, pour certains c’est un parti ou un autre, c’est un titre d’article, ce sont des photos ou des vidéos, de la politique, des médias, des stéréotypes Hollywoodiens etc. … et beaucoup pensent pouvoir juger de ce qui est vrai ou faux, de ce qui est bien ou mal. Qui a raison? Personne. Même pas moi. Une guerre c’est 1000 vérités qui se basent d’abord sur ceux qui la vivent et 1000 raisons pour chacun de percevoir le monde en fonction.

Et c’est là ce que l’on oublie, la vie, les gens, même si certains se pourfendent de faire semblant de les défendre ou d’autres s’en soucient sincèrement, la guerre c’est avant tout des gens qui la vivent, aucun média ne pourra jamais montrer la guerre et ce que ça signifie dans la vraie vie. C’est là le grand problème, il y a un abysse entre réalité et documentaire entre opinions et vérités. Si un jour vous voyez une photo vous montrant d’un côté ou d’un autre des enfants courir sous un bombardement, c’est bien plus compliqué qu’une seule image. Un avion, une bombe, des enfants? Non, malheureusement la plupart de ceux qui continuellement font des vidéos ou images déconnectées de tout ce qui est ci-dessus font de la propagande car la vie y a été effacée, on ne vous vend que la mort, un petit morceau de l’histoire. Pour autant je maintiens aussi que même en vivant la guerre, je ne peux me prévaloir d’avoir raison, d’être LA vérité, mais je transmets une partie de l’histoire et des morceaux du puzzle de plus ou moins grande importance en fonction des événements, chacun ensuite fait son propre mélange pour ceux qui sont prêts à faire un mélange. Il s’agit de prendre du recul et d’essayer de vous mettre dans la peau des gens en faisant abstraction des émotions pré-mâchées qui vous sont tendues sur un plateau.

La guerre c’est la vie, ici c’est l’amour de ceux qui sont proches de vous avec la peur de les perdre, c’est l’espoir mélangé à la peur, ce sont les enfants qui vont à l’école et les parents qui espèrent les revoir, ce sont les commerçants qui essayent de faire vivre leurs familles et qui se saignent dans une économie dévastée, ce sont des centaines de taxis qui écument les rues à la recherche de clients, ce sont des patrons d’usines qui sont devenus vendeurs de rue, ce sont des gens qui sortent dans la rue avec de jolies robes quand ils ont du mal à manger, ce sont des gens qui vivent dans des carcasses d’immeubles après avoir tout abandonné plusieurs fois, ce sont des milliers d’enfants et de jeunes toutes religions confondues membres de scouts, ce sont les gens qui sont fatigués et qui voyagent, d’autres qui restent avec la guerre comme une sorte de zone de confort, ceux qui ne veulent pas aller se battre même s’ils aiment leur pays, ceux qui sont tous les jours sur les lignes de front, ce sont des hommes d’un côté et d’un autre s’affrontant pour le pays l’argent ou la religion, ce sont des gens qui pensent avoir été oubliés par le monde et d’autres qui sont en skype tous les soirs quand internet le permet avec ceux qu’ils aiment de l’autre côté de la planète, ce sont des dizaines de milliers d’animaux errants qui apparaissent et disparaissent ici et là, ce sont les jeunes et les gens qui sortent le soir fumer le narguilé ou jouer au Taoulé pour se détendre malgré des bombardements, c’est l’insouciance mêlée de déni, c’est la peur de la mort mêlée d’envie d’y rester, si Dieu le veut. Je pourrais écrire 10 pages …

J’aime cette photo, je l’ai prise avant la libération, elle était celle de notre quotidien et encore aujourd’hui sur certains quartiers, elle pourrait être utilisée dans n’importe quel magazine aussi renommé soit-il qu’elle ne pourra jamais transmettre tout ce qu’elle signifie, tout ce qu’il y a derrière ce moment ou ces jours, les émotions, les réalités …. même moi en écrivant je n’ai pas les mots pour décrire ce que ça signifie en fond. Je me souviens de beaucoup de gens qui sont morts ces jours-là, de la peur qu’on avait que Nosra ou l’armée libre ne rentre dans la ville après tellement d’attaques mais surtout des moments incroyables d’amitié à la lumière de la bougie la nuit, les ciels incroyablement étoilés, les étoiles filantes qui se mêlaient aux balles traçantes, ces enfants qui affrontaient la guerre en tant qu’enfants …

On me reproche parfois d’écrire un peu trop pour donner envie aux gens de me lire, désolé pour les fainéants, j’aime bien écrire et j’ai fâcheuse tendance à écrire un peu au fil de la plume dans objectif spécial sinon évacuer les choses à l’intérieur ou partager des messages que je pense importants … la raison de ce bout de texte c’était de parler de ce qui compte plus que la guerre, les gens dans leurs réalités simplement les plus diverses. Prenez du recul sur ce que l’on vous raconte et vous verrez tellement plus …

We are superheroes

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Yesterday evening I was in a peripheral district of Aleppo, one of my young people was not very far from me in Zahra, the fightings and bombings were intense and she was afraid writing on whatsapp, asking me to pray for her. That’s the most tiring thing, it’s the stress for those you love, more than for you.

The majority of people can not understand what the war means, for some it’s one side or another, it’s an article title, it’s pictures or videos, politics, media, Hollywood stereotypes etc. … and many think they can judge what is true or false, what is right or wrong. Who is right? No one. Not even me. A war is 1000 truths that are based first of all on those who live it and 1000 of reasons for each one.

And that’s what we forget, the life, the people, even if some people pretend to defend them or others care genuinely, the war is first and foremost people who lives it, no media will ever be able to show the war and what it means in the real life. This is the big problem, there is an abyss between reality and documentary, between opinions and truths. If one day you see a picture showing you from one side or another children running under bombings, it’s a lot more complicated than a single image. A plane, a bomb, children? No, unfortunately most of those who continually make videos or disconnected images of all the above are war propaganda because life have been kind of erased, we are only selling death, a small piece of the story . However, I also maintain that even since I live the war, I can not claim to be right, to be THE truth, but I transmit part of the story and pieces of the puzzle of greater or lesser importance depending events, … each one then makes its own mix for those who are ready to make a mix. It’s about taking a step back and trying to put yourself in the shoes of people by disregarding the pre-chewed emotions that are served on a tray.

War is life, here it is the love of those who are close to you with the fear of losing them, it is the hope mixed with fear, it is the children who go to school and the parents who hope to see them again, it’s the traders who try to support their families and who are bleeding themselves in a devastated economy, hundreds of taxis who roam the streets in search of customers, it’s patrons of factories that have become street vendors after they were looted or destroyed, it’s women who come out into the street with pretty dresses when they struggle to eat, it’s people who live in carcasses of buildings after having abandoned everything several times, it’s thousands of children and young people from all religions scouting together, it’s people who are tired and traveling, it’s others who stays with the war as a kind of comfort zone, it’s those who do not want to fight even if they love their country, it’s those who Every day on the front lines, it’s mens on one side and another fighting for the country, money or religion, it’s people who think they have been forgotten by the world or others who are on skype every night when the internet allows it with those they love on the other side of the planet, it’s tens of thousands of stray animals appearing and disappearing here and there, it is the young and the people who come out at night to smoke the Narguilé or to play Taoulé to relax despite of bombings, it is the carelessness mingled with denial, it is the fear of the death mingled with desire to get killed, if God want it. I could write 10 pages …

This photo I took before the liberation was our daily life and still today on certain neighborhoods, it could be used in any magazine as famous as it is that it will never be able to transmit all it means, all this that there is behind this moment or these days, the emotions, …. even me writing I do not have the words to describe what it means in the background. I remember many people who died those days, the fear that we had that Al Nosra came back but especially incredible moments of friendship in the light of the candle at night, the incredibly stellar skies, the shooting stars who mingled with the tracer bullets, theses children as hope.

I am sometimes criticized for writing a little too much to make people willing to read to me, sorry for lazy people I like to write and I have a tendency to write straight and in details, no special purpose if not evacuate the things inside or share messages that I think are important … the reason for this piece of text was to talk about what matters more than war, people in their realities simply the most diverse. Take a step back from what you are told and you’ll see much more.

We are superheroes

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