L’image du jour : Les congés payés, merci aux grévistes de 1936. Bientôt un lointain souvenir ?

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La loi sur les congés payés adoptée en juin 1936 constitue l’un des symboles les plus forts du Front populaire et contribue aujourd’hui encore puissamment, dans la mémoire des Français, à l’édification de son mythe.

Au lendemain de la victoire électorale obtenue lors des élections législatives d’avril-mai 1936, l’adoption des congés payés ne constitue cependant pas une priorité pour les forces du Front populaire, soucieuses avant tout d’améliorer les conditions de travail au sein des entreprises, de lutter contre le chômage et d’augmenter le pouvoir d’achat des ouvriers. Mais le mouvement de grèves qui gagne le pays au cours du printemps 1936 fait progressivement des congés payés une revendication de premier plan, notamment dans les bastions ouvriers du Nord de la France ou de la région parisienne, qui exercent ainsi une forte pression sur la nouvelle majorité.

Dès le 5 juin, dans sa première allocution radiodiffusée, le nouveau président du Conseil Léon Blum annonce le dépôt immédiat d’un projet de loi sur le sujet. Le lendemain, avec les députés, il fait figurer cette mesure dans la première série de lois qui doivent être votées avant les vacances parlementaires, au même titre que la semaine des quarante heures, les conventions collectives, la création de l’Office du blé ou la prolongation de la scolarité jusqu’à 14 ans. Déposé le 9 juin, le projet est voté le 11 par la Chambre des députés à l’unanimité moins une voix, le 17 par le Sénat par 295 voix contre 2. Le texte définitif est promulgué le 20 juin.

Le principe de « vacances payées » existe en fait dès avant 1936 dans de nombreux secteurs : les fonctionnaires, employés de bureau et de commerce, salariés des entreprises subventionnées par l’Etat bénéficient déjà de périodes de repos rémunérées dans l’année. Mais les ouvriers du secteur privé ne peuvent avoir accès à ces congés, considérés comme un véritable privilège. Aussi la loi suscite-t-elle d’immenses espoirs, créant le sentiment parmi les ouvriers qu’ils allaient pouvoir « vivre mieux » et profiter davantage de la vie.

Désormais, tout employé de l’industrie ou du commerce se voit attribuer quinze jours de congés payés, dont au moins douze jours ouvrables, sous la seule réserve de justifier d’un an de présence continue dans l’entreprise. La loi permet au cours de l’été 1936 des départs massifs de Français, notamment les habitants des grandes villes, avides de découvrir pour la première fois la mer ou de profiter des bienfaits de la campagne et de la montagne. Les principales destinations sont notamment les plages du Nord (Le Touquet), de Normandie (Deauville) ou de Bretagne (Le Croisic, la Baule). L’institution d’un « billet populaire de congés payés », qui prend effet le 3 août 1936, permet d’encourager les départs en offrant une réduction de 40 % sur la troisième classe, à condition de partir au minimum cinq jours et d’effectuer au moins 200 kilomètres (plus de 500 000 personnes en bénéficient).

Si les premiers congés payés de l’été 1936 marquent bien un tournant, le phénomène ne doit toutefois pas être exagéré. Il concerne surtout les jeunes couples ou les célibataires et donne lieu à des séjours le plus souvent de courte durée, au camping ou dans des auberges de jeunesse, que le Front populaire cherche à développer. Mais le véritable tourisme de masse ne date pas de l’été 1936 : ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale, au cours des années cinquante et surtout soixante, que le phénomène prend toute son ampleur.

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