Canal +

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C’est Alain De Greef qui va réunir des personnes auxquelles il croit, qu’il a envie de voir travailler ensemble et qui vont devenir Les Nuls. En 1987, le directeur des programmes crée Nulle Part Ailleurs , émission qui va réunir sur un même plateau de l’info, du cinéma, de la littérature, de l’humour et de la dérision. Dans le même temps, il demande aux Nuls de mettre en abyme l’émission de Gildas avec un faux JT, de fausses bandes annonces, de fausses pubs etc.

Dans l’ADN de Canal+, la question de la mise en abyme est essentielle. Cette posture est loin d’être une position marketing mais bien le souhait d’Alain de Greef de montrer qu’à chaque vérité, il peut y avoir une contre-vérité et tout doit pouvoir être rediscuté. C’est ce que montrent les parodies des Nuls, mais aussi les Guignols de l’info qui depuis 1988 proposent un faux journal en caricaturant le monde politique et la société du spectacle.

Le reflet de la télévision par elle-même passe aussi par des émissions qui parlent explicitement de la télévision. Il s’agit de Télés-dimanche présenté par Michel Denisot à partir de 1992, puis de TV + de Marc-Olivier Fogiel de 1996 à 2000. Aujourd’hui, une émission telle que Le tube  présentée par Daphné Burki est dans la même veine, puisqu’il s’agit d’un programme au ton plutôt enlevé qui revient sur l’actualité de la télévision avec un angle analytique tout en étant grand public.Parmi les programmes réflexifs, on pense évidemment au Zapping qui, à dater de 1988, puis quotidiennement à partir de 1989, retransmet les moments les plus marquants diffusés à la télévision la veille. L’idée est de montrer des extraits que l’on a pu louper, mais aussi et surtout de créer un récit et reconstituer un point de vue via le montage. Le zapping propose une lecture de la télévision mais aussi de la société en ce qu’elle a de plus étonnant et d’improbable.

Nulle Part Ailleurs, Objectif Nul, Les Guignols de l’info, les émissions réflexives sont autant de programmes qui en 30 ans ont posé un regard spécifique sur la télévision. La télévision mise en abyme a traversé toutes les époques de la chaîne, permettant de prendre du recul et de la distance sur ce média et ceux qui le font. En l’espèce, l’une des spécificités des Guignols de l’info a toujours été de pouvoir se moquer de leur propre chaîne, de ses animateurs et de ses patrons.
L’autodérision fait partie de l’identité de la chaîne et a permis d’instaurer un rapport de connivence avec le téléspectateur. Pour Bergson, « le rire cache une arrière-pensée d’entente, de complicité, avec d’autres rieurs, réels ou imaginaire». Cette complicité avec le public a été l’occasion pour Canal+ de se montrer sous un autre jour et de se distinguer des autres. La chaîne a toujours été dans une logique de distinction s’exprimant par le rire et les autres programmes en clair.

Souvenirs de télévision

C’est au milieu des années 1990 que la situation se complique. André Rousselet est conduit vers la sortie par les nouveaux actionnaires, la chaîne est devenue un grand groupe dont Jean-Marie Messier, PDG de Vivendi, est le patron. Le fort développement du groupe correspondra à une perte de vitesse de la chaîne qui, arrivée à sa maturité, devra se chercher un nouveau souffle.

Les personnalités emblématiques de la chaîne que sont Jean-Luc Delarue, Antoine de Caunes et Philippe Gildas la quittent successivement. La concurrence est accrue, les téléspectateurs se désabonnent et le temps n’est plus à la fête. C’est en 2002 que les fondateurs de Canal+ seront débarqués de la chaîne et que les téléspectateurs pourront assister à une incroyable AG de trente minutes ou les salariés de la chaîne exprimeront leur détresse.

Aujourd’hui, la chaîne est sous le feu de nombreuses critiques dont certaines sont fondées. On a souvent coutume, en matière d’histoire de la télévision comme ailleurs, de nous fier à nos souvenirs. Ces derniers appartiennent d’abord à notre histoire personnelle : se rappeler Nulle Part Ailleurs, c’est aussi faire remonter des souvenirs de l’ambiance qu’il pouvait y avoir autour de la télévision chez nous, se rappeler notre jeunesse et les artistes qu’on a pu découvrir par exemple. Les souvenirs, pour Kierkegaard, consacrent et magnifient l’événement passé. « Le souvenir ne doit pas seulement être exact, il doit être aussi heureux. Le souvenir mis en bouteille doit conserver le parfum même de la vie. Nous avons investi des moments vécus d’une valeur intérieure et repensons ces expériences de vie pour former des souvenirs, qui prennent parfois la forme de certaines illusions.

Ainsi, dans nos souvenirs de cette télévision, nous ne gardons que le meilleur. S’il est indéniable qu’il était très agréable de regarder une émission telle que Nulle Part Ailleurs avec très peu de publicités, l’âge d’or de Canal+ est passé, et avec lui, cette télévision pensée et conçue par des professionnels qui aimaient la télé qu’ils faisaient. Cela ne signifie pas pour autant que les patrons et producteurs de télévision d’aujourd’hui n’aiment pas la télévision, mais ils sortent, comme me l’a dit Alain De Greef, des grandes écoles et non d’une école de montage. Pour le dire plus crûment : les dirigeants des grands médias aujourd’hui pourraient tout aussi bien travailler dans l’industrie laitière ou automobile.

Les chaînes doivent d’abord plaire aux annonceurs avant de séduire le public. Désormais, l’époque est à la mesure de l’audience à la seconde près. Si l’audimat avait son importance dans les années 1990, les enjeux n’étaient pas les mêmes. De la multiplication des chaînes découle un choix croissant pour les annonceurs de placer leurs publicités en de nombreux lieux. Dès lors, Canal+ et les autres chaînes doivent d’abord plaire à ces annonceurs avant de séduire le public.

De plus, les programmes du Canal+ d’hier ne pourraient pas retrouver une place à l’antenne car l’humour a changé. Les blagues de Coluche, les sketchs de Karl Zéro ou de Mickael Keul se faisant descendre en pleine guerre en Yougoslavie assureraient à la chaîne plusieurs bad buzz par jour. La télévision 2.0 a ses avantages mais aussi ses inconvénients : un trait d’humour mal compris peut être monté en épingle et assurer une mauvaise presse. Les garde-fous d’aujourd’hui ne sont pas les politiques, mais les médias eux-mêmes et nous tous qui, rivés à nos  smartphones et tablettes, sommes à l’affut du moindre faux pas.

  •  Merci à Clever / Carrere

     

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Alain De Greef este cel care va reuni oameni în care crede, pe care vrea să-i vadă lucrând împreună și care va deveni Les Nuls. În 1987, directorul de program a creat Nulle Part Ailleurs, un program care a reunit știri, cinema, literatură, umor și derizoriu pe același platou. În același timp, el îi cere lui Dummies să pună emisiunea lui Gildas într-un abyme cu un JT fals, remorci false, reclame false etc.

În ADN-ul Canal+, problema mise en abyme este esențială. Această postură este departe de a fi o poziție de marketing, ci mai degrabă dorința lui Alain de Greef de a arăta că cu fiecare adevăr, poate exista un neadevăr și totul trebuie să poată fi discutat din nou. Așa arată parodiile din Les Nuls, dar și Guignols de l’info. care din 1988 oferă un ziar fals caricaturizând lumea politică și societatea spectacolului.

Reflectarea televiziunii în sine trece și prin programe care vorbesc în mod explicit despre televiziune. Acestea sunt Télés-dimanche prezentate de Michel Denisot din 1992, apoi TV+ de Marc-Olivier Fogiel din 1996 până în 2000. Astăzi, un program precum Le tube prezentat de Daphné Burki este în aceeași ordine de idei, deoarece este un program cu un ton mai degrabă înlăturat care revine la știrile televiziunii cu un unghi analitic fiind totodată public larg.

Dintre programele reflectorizante, ne gândim evident la Zapping care, din 1988, apoi zilnic din 1989, difuzează cele mai semnificative momente difuzate la televizor cu o zi înainte. Ideea este să arătăm fragmente pe care poate le-am ratat, dar și mai ales să creăm o poveste și să reconstruim un punct de vedere prin editare. Zapping oferă o lectură a televiziunii dar și a societății în aspectele sale cele mai surprinzătoare și improbabile.

Nulle Part Ailleurs, Objectif Nul, Les Guignols de l’info, programele reflective sunt toate programele care în 30 de ani au aruncat o privire specifică televiziunii. Televiziunea Mise en abyme a trecut prin toate erele canalului, permițându-ne să facem un pas înapoi și să ne distanțăm de acest mediu și de cei care îl fac. În acest caz, una dintre particularitățile Guignols de l’info a fost întotdeauna să-și facă de râs propriul canal, gazdele și șefii săi. Autobaterea face parte din identitatea canalului și a făcut posibilă stabilirea unei relații de complicitate cu telespectatorul. Pentru Bergson, „râsul ascunde un motiv ascuns de înțelegere, de complicitate, cu alte râsete, reale sau imaginare”. Această complicitate cu publicul a fost o oportunitate pentru Canal+ de a se arăta într-o altă lumină și de a se distinge de ceilalți. Canalul a fost întotdeauna într-o logică a distincției exprimându-se prin râs și alte programe în clar.

Amintiri TV

La mijlocul anilor 1990 situația s-a complicat. André Rousselet este alungat de noii acționari, lanțul a devenit un grup mare din care Jean-Marie Messier, CEO Vivendi, este șeful. Dezvoltarea puternică a grupului va corespunde unei pierderi de viteză a lanțului care, ajuns la maturitate, va trebui să caute un nou suflu.

Personalitățile emblematice ale canalului, Jean-Luc Delarue, Antoine de Caunes și Philippe Gildas, îl părăsesc succesiv. Concurența crește, spectatorii se dezabonează și ora nu mai este petrecere. În 2002, fondatorii Canal+ vor fi debarcați de pe canal și telespectatorii vor putea participa la un incredibil AG de treizeci de minute în care angajații canalului își vor exprima suferința.

Astăzi, canalul este sub atacul multor critici, dintre care unele sunt bine întemeiate. Este adesea obiceiul, în istoria televiziunii, ca și în alte părți, să ne bazăm pe amintirile noastre. Acestea aparțin mai întâi istoriei noastre personale: a ne aminti de Nicăieri Altceva înseamnă, de asemenea, să ne aducem amintiri ale atmosferei pe care ar putea fi în preajma televiziunii de acasă, amintirea tinereții noastre și a artiștilor pe care i-am putut descoperi, de exemplu. Amintirile, pentru Kierkegaard, consacră și măresc evenimentul trecut. „Memoria nu ar trebui să fie doar exactă, ci și fericită. Memoria îmbuteliată trebuie să păstreze însăși parfumul vieții. Investim momentele trăite cu valoare interioară și regândim acele experiențe de viață pentru a forma amintiri, care uneori iau forma unor iluzii.

Deci, în amintirile noastre despre acest televizor, păstrăm doar ce este mai bun. Dacă este de netăgăduit că a fost foarte plăcut să urmărești un program precum Nulle Part Ailleur cu foarte puține reclame, epoca de aur a Canal+ a trecut și, odată cu ea, această televiziune gândită și concepută de profesioniști care iubeau televizorul pe care îl făceau. Asta nu înseamnă că șefii și producătorii de televiziune din ziua de azi nu le place televiziunea, dar vin, după cum mi-a spus Alain De Greef, de la școlile mari și nu de la o școală de montaj. Pentru a spune mai direct: directorii mass-media de astăzi ar putea lucra la fel de bine în industria produselor lactate sau auto.

Canalele trebuie mai întâi pe placul agenților de publicitate înainte de a seduce publicul. De acum înainte, epoca este măsura audienței până la secunda cea mai apropiată. Dacă ratingurile erau importante în anii 1990, miza nu era aceeași. Proliferarea canalelor a dus la o alegere tot mai mare pentru agenții de publicitate de a-și plasa reclamele în multe locuri. Prin urmare, Canal+ și celelalte canale trebuie mai întâi pe placul acestor agenți de publicitate înainte de a seduce publicul.

În plus, programele de ieri Canal+ nu și-au găsit loc în emisiune pentru că umorul s-a schimbat. Glumele lui Coluche, schițele lui Karl Zéro sau Mickael Keul doborât în ​​mijlocul războiului din Iugoslavia ar asigura canalului mai multe zgomote proaste pe zi. Televiziunea 2.0 are avantajele sale, dar și dezavantajele sale: o piesă de umor neînțeleasă poate fi disproporționată și poate duce la o presă proastă. Garanțiile de astăzi nu sunt politicienii, ci mass-media în sine și noi toți care, lipiți de smartphone-uri și tablete, suntem în căutarea celui mai mic pas greșit.

  • Multe mulțumiri lui Clever / Carrere

     

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It is Alain De Greef who will bring together people he believes in, whom he wants to see working together and who will become Les Nuls. In 1987, the program director created Nulle Part Ailleurs, a program that brought together news, cinema, literature, humor and derision on the same set. At the same time, he asks Dummies to put Gildas’ show in abyme with a fake JT, fake trailers, fake ads etc.

In the DNA of Canal+, the question of mise en abyme is essential. This posture is far from being a marketing position but rather Alain de Greef’s wish to show that with each truth, there can be an untruth and everything must be able to be discussed again. This is what the parodies of Les Nuls show, but also the Guignols de l’info. who since 1988 offer a fake newspaper by caricaturing the political world and the society of the spectacle.

The reflection of television by itself also passes through programs which speak explicitly of television. These are Télés-dimanche presented by Michel Denisot from 1992, then TV + by Marc-Olivier Fogiel from 1996 to 2000. Today, a program such as Le tube presented by Daphné Burki is in the same vein , since it is a program with a rather removed tone which returns to the news of television with an analytical angle while being general public.

Among the reflective programs, we obviously think of Zapping which, from 1988, then daily from 1989, broadcasts the most significant moments broadcast on television the day before. The idea is to show excerpts that we may have missed, but also and above all to create a story and reconstruct a point of view through editing. Zapping offers a reading of television but also of society in its most surprising and improbable aspects.

Nulle Part Ailleurs, Objectif Nul, Les Guignols de l’info, reflective programs are all programs that in 30 years have taken a specific look at television. Mise en abyme television has gone through all the eras of the channel, allowing us to take a step back and distance ourselves from this medium and those who make it. In this case, one of the specificities of the Guignols de l’info has always been to be able to make fun of their own channel, its hosts and its bosses. Self-mockery is part of the channel’s identity and has made it possible to establish a relationship of complicity with the viewer. For Bergson, « laughter hides an ulterior motive of understanding, of complicity, with other laughers, real or imaginary ». This complicity with the public was an opportunity for Canal+ to show itself in a different light and to distinguish itself from the others. The channel has always been in a logic of distinction expressing itself through laughter and other programs in clear.

TV Memories

It was in the mid-1990s that the situation became more complicated. André Rousselet is driven out by the new shareholders, the chain has become a large group of which Jean-Marie Messier, CEO of Vivendi, is the boss. The strong development of the group will correspond to a loss of speed of the chain which, having reached its maturity, will have to seek a new breath.

The channel’s emblematic personalities, Jean-Luc Delarue, Antoine de Caunes and Philippe Gildas, successively leave it. Competition is increased, viewers are unsubscribing, and the time is no longer party time. It was in 2002 that the founders of Canal+ will be disembarked from the channel and that viewers will be able to attend an incredible thirty-minute AG where the employees of the channel will express their distress.

Today, the channel is under fire from many criticisms, some of which are well founded. It is often the custom, in television history as elsewhere, to rely on our memories. These first belong to our personal history: remembering Nowhere Else is also bringing back memories of the atmosphere that there could be around television at home, remembering our youth and the artists that we were able to discover, for example. Memories, for Kierkegaard, consecrate and magnify the past event. “The memory should not only be accurate, it should also be happy. The bottled memory must retain the very scent of life. We invest lived moments with inner value and rethink those life experiences to form memories, which sometimes take the form of certain illusions.

So, in our memories of this television, we keep only the best. If it is undeniable that it was very pleasant to watch a program such as Nulle Part Ailleur with very few advertisements, the golden age of Canal+ has passed, and with it, this television thought and designed by professionals who loved the TV they were doing. This does not mean that today’s television bosses and producers do not like television, but they come, as Alain De Greef told me, from the big schools and not from an editing school . To put it more bluntly: today’s mainstream media executives might as well work in the dairy or automotive industry.

Channels must first please advertisers before seducing the public. From now on, the era is the measure of the audience to the nearest second. If ratings were important in the 1990s, the stakes were not the same. The proliferation of channels has resulted in an increasing choice for advertisers to place their advertisements in many places. Therefore, Canal+ and the other channels must first please these advertisers before seducing the public.

In addition, yesterday’s Canal + programs could not find a place on the air because the humor has changed. The jokes of Coluche, the sketches of Karl Zéro or Mickael Keul being shot down in the middle of the war in Yugoslavia would ensure the channel several bad buzz per day. Television 2.0 has its advantages but also its disadvantages: a misunderstood piece of humor can be blown out of proportion and lead to bad press. Today’s safeguards are not politicians, but the media themselves and all of us who, glued to our smartphones and tablets, are on the lookout for the slightest misstep.

  • Many thanks to Clever / Carrere

Stéphane Guibert (FB) / Stéphane Guibert (VK)

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